Dernier jour de Novembre dernier : le Rip Curl Challenge La Nord est lancé dans une houle qui baisse, mais qui envoie encore quelques bons sets costauds à plus de 4m. Vincent Duvignac y participe mais les conditions de marée et de houle font que les organisateurs décident de ne lancer que deux séries regroupant tous les compétiteurs, et de déclarer vainqueur, celui qui a pris la meilleure vague. C’est Paul Duvignau qui fut désigné vainqueur. Mais l’histoire ne s’arrête pas là…
Récit de Vincent Duvignac :
“Dernière série du Challenge La Nord à Hossegor : la marée montait depuis deux heures et les vagues semblaient plus puissantes et plus grosses que le matin. J’étais allé à l’eau plus tôt dans la journée pour faire ma série, mais je voulais retourner à l’eau avec ma planche de 9 pieds. Les nouvelles en provenance de Guéthary n’étaient pas réjouissantes, on a donc décidé avec mon pote Rudy de surfer les vagues au large de la Gravière, quitte à prendre peu de vagues. Les vagues impressionnantes nous obligent à réaliser le passage de barre par la plage Sud.
Après 30 minutes de rame (histoire de se chauffer), on est enfin arrivé sur le spot, ou plutôt la zone. Il y a toujours la vision depuis le bord et la vision quand on arrive au pic. Et en arrivant sur la zone,les vagues étaient plus grosses et plus puissantes que l’on pensait. Pire, on avait l’impression que ça grossissait. Philippe Toulan et Seb St Jean ont d’ailleurs récupéré leur bouée de jet-ski 2 minutes avant qu’une énorme série balaye cette zone…
Je me suis senti tout petit car à cette taille à la rame, et surtout sur cette zone qui est une sorte de cuvette, on ne distingue ni le bord, ni le large, et on est très peu visible depuis le bord, on n’a pas de repère.
Mon pote Rudy a enchaîné les bonnes vagues, il était dans le bon rythme dans ces conditions difficiles, en surfant juste, et en prenant les bonnes vagues au bon moment. Moi, en revanche, non…
Je venais de prendre deux vagues moyennes et deux sur la tête où j’ai pu plonger sans problème, mais avec le cœur à 200. Excès de confiance ou manque de patience, j’ai démarré sur la première vague d’une série. Celle-ci m’a emmené directement en enfer, non pas que je sois tombé, mais la vague s’est finie dans une zone d’impact, là où les gauches de la Nord se terminent.
Après deux plongeons sous 4 mètres de vagues, je continuais à rester serein en voyant les lignes se profiler au large. Tentant le tout pour le tout, j’essaie de démarrer sur une “petite” pour sortir de cette sale zone, mais elle a tellement creusé qu’il était impossible de passer le take-off à la rame.
Ensuite, c’est le cauchemar : au moins 6 vagues à la suite en plein sur le museau, sur la tronche ou ce qu’il en reste, à plonger au maximum en espérant que mon leash tienne… Ça ne s’arrêtait pas, je tournais dans tous les sens sous l’eau, perdant toute notion de gravité sans savoir où était le haut et le bas. C’est affreux de se sentir aussi impuissant.
Je commençais vraiment à m’épuiser mais ma planche toujours attachée à moi par le leash, me permettait de savoir où était la surface. J’essayais de me rassurer en me disant que le calme arrivait.
La cinquième vague m’a envoyé au fond, dans tous les sens du terme. La panique fit son apparition, en pensant rester sous l’eau plus longtemps en cette belle journée. Heureusement, j’ai touché le fond, et directement avec mes pieds, j’ai poussé aussi fort que possible pour remonter à la surface. J’ai touché le fond ? Je suis au large de la Nord et j’ai touché le fond . Après coup c’est effrayant mais cela m’a peut-être sauvé la vie. J’ai donc refait surface, juste à temps pour reprendre une bouffée d’air et repiquer pour l’ultime vague de la série, bien plus petite.
A bout de force, j’ai attrapé mon leash pour vite m’agripper à ma planche, j’étais épuisé et choqué. Je me suis positionné sur l’arrière de la planche en espérant prendre la première mousse sans aucune force. Je n’avais vraiment plus de force, je n’arrivais plus à ramer, la baïne me semblait interminable, car finalement, je n’avais que très peu reculé pendant mes apnées.
J’ai lu et relu un nombre incroyable d’histoires relatant les mêmes évènements, et à chaque fois, ce qui sauve le surfeur, c’est la préparation. Je me suis initié à l’apnée dès l’âge de 13 ans, et plus intensivement avec Axel Dublineau à la piscine de Mimizan et plus occasionnellement avec Thierry Kraviec sur Saint-Geours de Maremne avec d’autres surfeurs. J’ai réellement appris à garder mon calme dans une situation aussi extrême, celle que l’on n’espère jamais rencontrer.
Avec le recul, on se pose toujours des questions : et si mon leash avait cédé ? Je ne pense pas que je serais rentré au bord sain et sauf. Pourquoi je n’avais pas de gilets ? C’est une erreur que je ne commettrai plus, la sécurité est la première chose à respecter lorsqu’on surfe des grosses vagues. Regardez les récents accidents qui ont eu lieu, ceux qu’on a sauvé, c’est ceux qui sont remontés à la surface. Si vous cassez le leash, et que vous n'avez pas de gilet, c’est fini pour vous. Mais si on vous repêche facilement, même inconscient, tout n’est pas perdu, vous avez encore une chance.
Dans mon cas, c’est mon leash Wave Tribe qui m’a sauvé, et pour information, il mesurait 10 pieds au début de la session (trop court pour ce type de vague) pour finir à plus de 13 pieds. L’émerillon a dégusté mais n’a pas cassé.
On ne sort pas indemne de ce genre de sessions – demandez à Greg Long après sa mésaventure à Cortes Bank – mais je pense qu’on en sort grandi, même si pour l’instant, c’est plus de l’appréhension que je ressens. Le surf de gros représente un apprentissage long et rempli d’expérience comme celle que j’ai vécu, mais il faut savoir tourner la page , et apprendre de ses erreurs…
A la prochaine grosse session, je mets un gilet”.